CHEMIN INTERIEUR / DECEMBRE 23

Voyage en solo, l’envers du décor : Burnout d’une voyageuse !

 

Ca aurait presque pu être une bonne accroche pour le titre d’un bouquin… Dans le même style j’aurai pu choisir “cauchemar au paradis” mais je trouve que ça sonne plus comme un de ces reportages d’enquêtes criminelles qu’on peut trouver à la télé tard le soir. Heureusement pour moi, je ne me suis pas faite séquestrer voire trucider au fin fond de Pétaouchnock et le mot « cauchemar » serait quelque peu abusif.

Revenons-en à nos moutons… Burnout d’une voyageuse solitaire… Je vous vois venir d’ici : « Qu’est-ce qu’elle vient nous parler d’un burnout celle-ci alors qu’elle était en vacances à l’autre bout du monde et qu’elle a eu « la chance » de voyager ? ».  

On ne va pas se mentir, ce genre de phrase un brin culpabilisateur, je l’ai déjà entendu. Je vais donc, avant de poursuivre, prendre le temps de revenir sur deux petites choses qui me semblent essentielles et sur lesquelles (sûrement) beaucoup de voyageurs se reconnaitront :

 

Non il ne s’agit pas de “vacances” et non “la chance” n’a rien à voir là-dedans

Les vacances c’est quand tu pars te relaxer, te détendre, décompresser, soit au bord d’une piscine dans un hôtel, au club Med, dans un truc all inclusive ce que tu veux, ou bien au bord d’une plage ou dans un chalet à la montagne. Où tu n’as, en tout cas, à te soucier de pas grand chose à part de ce que tu vas faire de ta journée ou de trouver une façon de te ressourcer qui ne t’amènera ni stress, ni fatigue, ni organisation répétée.

Quand on me balançait au visage que j’étais juste en vacances, j’aimais bien dire ” bah prends un billet, rejoins-moi et dans une semaine on en reparle“. Je pense que tu devineras mon ton sarcastique rien qu’à la lecture de ma réponse n’est-ce pas ? Il faut dire que quand ça fait plusieurs semaines que tu enchaînes et qu’on te sort ça comme ci, au fond, ta fatigue n’a rien de légitime parce que “toi” tu n’as pas à te lever tous les matins pour aller bosser… C’est quelque peu agaçant.

Deuxième point : “Tu as de la chance toi, tu voyages“. Est-ce que j’ai gagné mon voyage ? Est-ce que quelqu’un m’a tendu un billet d’avion en me disant : “ allez vas-y ma petite tu peux y aller“. Je pars du principe que lorsqu’on souhaite quelque chose dans la vie, il faut simplement s’en donner les moyens. Un petit peu bateau comme phrase tu me diras. Du vu, revu et entendu mais pourtant bien vraie. Cette chance, je me la suis simplement crée. J’ai pris des décisions (pas toujours faciles), fais des sacrifices et mis toutes les chances de mon côté pour pouvoir voir mon projet se matérialiser.

Maintenant ces deux points éclaircis, je peux te dire que ce voyage il commence bien avant l’embarquement à l’aéroport. En général dans les mois qui précèdent le jour J on ne ressent pas encore trop ce qui va se passer. On est impatient.e.s, on commence à faire ses petites planifications de trajets, ses premiers comparatifs de prix de billets d’avion. Puis, petit à petit, c’est l’entonnoir niveau préparatif jusqu’à ce beau matin où on se réveille en se disant ” bordel, c’est déjà dans un mois“. Et là en général c’est tout un pan d’émotions qui se réveille, jusqu’à ce qu’on finisse clairement par se demander quelques jours avant le départ “My god, mais qu’est-ce que je suis en train de faire“.

Les préparatifs c’est donc déjà tout un truc qui te conditionne pas mal sur le voyage. Je t’invite d’ailleurs à cliquer :

Ici

Tu comprendras pourquoi.

J’étais déjà bien consciente avant mon voyage que partir toute seule ça n’allait pas être une mince affaire. Déjà soit bien sûr.e d’une chose : si tu penses partir pour échapper à quoique ce soit ou en pensant que ça résoudra quelque chose, OUI le voyage pourra être une sorte de thérapie mais NON tes casseroles ne resteront pas au chaud dans tes cartons. Elles seront bien contentes de partir avec toi et de choisir de se manifester quand le moment sera le plus opportun bien sûr et ce sera à toi seul.e de t’y confronter à ce moment-là.

Bref, une fois atterris à bon port, on prends le temps de se familiariser. Nouvelles habitudes, nouvelle culture, nouvelle nourriture, nouvelle langue, tu l’auras compris, que de la nouveauté au programme. Ca c’est plutôt cool. En général dans notre planification, on a toujours au moins prévu le point de chute pour s’éviter du stress dès l’arrivée. Après en fonction des personnes c’est soit du fur et à mesure ou du déjà planifié à l’avance.

Pour moi, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises façons de faire ou de s’organiser. Je ne suis pas une grande partisane de tout planifier de A à Z dans les moindres détails car j’aime laisser la place à l’imprévu. Mais je ne suis pas non plus de ceux ou celles qui font le choix de n’avoir aucune organisation car j’estime que c’est le risque de passer à côté de choses qui justement se prévoient un minimum et parce que cela peut aussi avoir son côté rassurant (surtout quand on est seul.e). Je trouve qu’un juste milieu c’est bien. C’est pour ça que pour tous mes voyages, je prévoie en général une liste de villes avec à l’intérieur les “incontournables” établis à l’aide de différents blogs de voyageurs qui y sont passés avant nous et qui peuvent être une vrai mine d’informations (à savoir si ça vaut vraiment le coup d’aller là ou là par exemple, surtout quand c’est très touristique). Une brève idée de comment rallier les différents endroits et l’hôtel pour le premier point de départ et c’est déjà un bon début. Après on voit au fur et à mesure des envies, de l’humeur, du ressenti, des opportunités, etc.

 

Alors comment ça se fait que j’ai fini par péter un câble ? 

On va dire que ce burnout a été un peu sournois (et sûrement un peu de ma faute aussi).

Déjà il y a un cap à passer : le fameux six mois. Je ne sais pas pourquoi précisément six mois mais c’est en tout cas à cette période charnière où le mal du voyageur se fait souvent (voir toujours) ressentir et où on a tendance à avoir envie de rentrer. C’est un petit passage à vide où le voyage ne fait d’un coup plus trop sens, où la lassitude et la fatigue prennent le dessus et où il est important de s’écouter et de se laisser le temps au temps.

Mais pourquoi moi je parle carrément d’un burnout ? Dans un livre lut récemment, l’auteure définissait le burnout comme ceci :     “ quand nous puisons sans fin dans nos ressources, sans recharger notre énergie avec des temps de pause, nous produisons beaucoup d’adrénaline, mais savez-vous que celle-ci a aussi sa limite ? Quand il n’y en a plus, il n’y en a plus : plus d’énergie pour se lever et aller travailler ou même se faire à manger. Ceux qui ont fait un burnout vous le diront, ils ont le sentiment d’appuyer sur la pédale d’accélérateur d’une voiture qui n’avance pas (…) le problème c’est qu’il faut des mois pour s’en remettre et qu’ensuite, une fois guéris, nous ne retrouveront plus le rythme que nous avions avant. Il nous faut nous ménager toute notre vie pour ne pas recraquer. Tout est une question d’équilibre, il faut refaire le plein tous les jours, en nous reposant, en nous relaxant“.

On en entend beaucoup parler ces dernières années car la société en demande de plus en plus et de plus en plus vite et beaucoup s’épuisent. Ca ne touche pas que le domaine de l’emploi, la preuve ça m’a touché au bout du monde, alors que j’étais “censée” vivre ma best life !

 

Le problème il est là : j’ai puisé jusqu’à la dernière miette dans mes limites et je n’ai jamais vraiment pris le temps de me reposer.

Partir seule, ça a ses avantages et ses inconvénients. Ce qui est cool c’est qu’on fait ce qu’on veut quand on veut. Personne n’est à côté pour nous dicter ses envies (qui, en plus, ne seraient pas forcément partagées), pas de concession à faire. On va où on veut, quand on veut, au rythme qu’on veut et si un endroit ne nous plait pas, on a juste à prendre son sac et ciao.

Les inconvénients ? Trop d’indépendance tue l’indépendance. On ne peut compter que sur soi-même et je crois que c’est l’une des choses qui, à long terme, a fini par me faire saturer. Il faut dire que j’y ai mis le rythme. Je ne restais pas plus de quatre jours, voire parfois moins, à certains endroits et je ne m’octroyais quasiment jamais de temps de répit. Quand j’arrivais dans un endroit, j’enchainais mes visites et je passais souvent (toujours) mes soirées à faire, défaire, refaire mon sac, prévoir le trajet d’après, comment s’y rendre, puis l’hôtel suivant, etc. etc. Jusqu’à avoir des heures de couchée frôlants les deux heures du matin. Et c’est vrai que dans ces moments, j’aurai aimé avoir parfois une petite épaule sur laquelle m’appuyer (et me reposer un peu).

Un ami rencontré en voyage qui suivait mes aventures via mon Instagram m’a un jour dit cette phrase qui m’a marquée mais Cha, après quoi tu cours ?. Je ne sais pas pourquoi j’avais ce besoin constant de ne jamais restée en place alors que j’avais pourtant le temps (un bon psy me le dirait sûrement). Et le problème, c’est qu’à vouloir prévoir le point B (voire le point C) à peine arrivée au point A, je n’étais pas pleinement dans l’instant présent. Mon cerveau était toujours dans l’anticipation au lieu de laisser mon esprit s’apaiser et en profiter.

 

Alors certes j’en ai fait des choses du coup, mais à quel prix ?

Le seul moment où j’ai accepté de lâcher prise et où, vraiment, j’ai le plus apprécié mon voyage, c’est quand je suis restée un mois, au même endroit, à Koh phangan en Thaïlande, à rencontrer des personnes géniales et en me re-centrant sur moi-même (une bien jolie thérapie). Mais une fois partie, j’ai repris mon rythme de marathonienne et mon corps a fini par me mettre un gros stop.

Le signal a d’abord été physique. Je me suis chopée une bonne tendinite à la cheville, puis aux deux par compensation (dont j’ai encore les séquelles aujourd’hui) et ma hanche était en miette. Mon corps cherchait clairement à me faire comprendre une seule chose : RA-LEN-TIR.

Moi qui prône l’écoute de son corps dans mon enseignement du yoga, j’ai clairement été une très mauvaise élève puisque j’ai continué. J’ai quand même tenté quelques séances de kiné au Cambodge pour me remettre d’aplomb mais ça n’a pas été d’un grand succès. Si je peux te donner un conseil quand même : oubli les tongs en voyage que ce soit pour de petits déplacements ou à la plage (ou bien seulement pour les douches communes), tes pieds (en tout cas tes chevilles) te remercieront.

C’est en arrivant au Vietnam que les choses ont commencé à se gâter. Mon déboire avec mon visa non reçu dans les temps m’avait déjà mis un petit coup supplémentaire au moral. Mais si ça n’avait été que ça…

 

Voilà que je commençais à me sentir vide.

J’avais beau voir des choses de malade, ça ne me faisait ni chaud, ni froid. Un temple n’était qu’un temple supplémentaire, une cascade n’était rien de plus qu’une simple chute d’eau sans intérêt, une vue panoramique n’était qu’un paysage de plus… Plus rien ne palpitait là-dedans.

Puis sont arrivés des angoisses jamais ressenties jusqu’à ce moment. J’étais dans la crainte permanente qu’il m’arrive quelque chose et que je ne revois plus jamais mes proches. A force de cumuler les avions, je flippais à l’idée de me cracher en plein vol alors que je n’avais jamais été phobique. Puis après, les peurs de la mauvaise rencontre puis de celle du rapt sont arrivées. Et je pense qu’à trop y penser, je me suis attirée cette mésaventure avec un indien à Singapour (que je te laisse découvrir ici) et qui a fini de m’achever.

Un autre point important à rajouter dans l’équation (et qui n’a sûrement pas aidé) : la solitude. Certes je suis de base quelqu’un de solitaire, j’aime être seule. Seulement, et aussi paradoxal que cela puisse être, je suis également très ouverte et sociable et j’aime le contact. Le problème, c’est qu’en étant partie à la réouverture des frontières, juste après le covid, bah on ne peut pas dire que ça se bousculait au portillon côté touristes. Ce qui a des avantages pour les visites oui, mais aussi des inconvénients, notamment pour faire des rencontres. Débarquée dans un dortoir vide un soir de nouvel an, avec tous les bars aux alentours fermés pour cause de restrictions sanitaires, c’était moyen… Et de façon générale, quand il y avait un peu de monde dans les dortoirs, les gens étaient assez fermés ou bien souvent les échanges étaient éphémères et répétitifs (d’où tu viens, qu’est ce que tu fais et basta). Il y a des moments où j’ai passé des jours, voir des semaines limite sans parler à personne d’autres qu’avec moi-même, jusqu’à parfois être presque au bord de vriller. Je ne voyais plus l’intérêt non plus de voir des choses magnifiques sans avoir personne à mes côtés avec qui les partager. On peut le faire en envoyant des photos à nos proches, mais ils ne vivent pas le voyage comme nous, alors c’est différent. Et non pas que je n’éprouvais pas de la gratitude pour tout ça mais une part de moi-même en devenait malgré tout triste.

 

Alors apprécier sa propre compagnie oui c’est important mais j’ai fini au fil du temps par me recroqueviller sur moi-même.

Après tout ce cumul, je suis arrivée en Malaisie lasse de tout et au bout du rouleau. Je n’avais plus envie de me lever le matin, de partir visiter et même de sortir manger. Mon voyage ne faisait plus sens, je ne savais plus pourquoi j’étais partie, comment atteindre les objectifs pros que je m’étais fixée, je n’arrivais plus à savoir où aller car plus aucun endroit / pays ne m’attirait. Et surtout, j’étais épuisée. Mon corps était épuisée et ma tête n’en parlons pas.

Je suis restée près d’une semaine dans mon hôtel, à rester assise sur mon balcon ou sous ma couette à ne rien faire… jusqu’à prendre cette décision, celle de rentrer en France. D’autres choses m’attendaient là-bas, du moins c’est ce que je pensais (ou espérais) à ce moment-là. Et j’avais besoin de revoir mes proches, de retrouver un lien social, un cocon dans lequel je me sentirai à nouveau en sécurité, ré-avoir mes petites habitudes, une routine.

 

Et je suis rentrée…

Il était important je pense de partager tout cela car bien souvent on a tendance à édulcorer le voyage en solo comme ci c’était LA chose la plus extraordinaire à faire, à vivre, qu’on en revient différent, grandit, blablabla. Oui, mais il y a aussi l’envers du décor… J’ai aussi lu beaucoup de témoignages de personnes pour qui ça avait aussi été difficile psychologiquement parlant et ça m’a permis de me sentir moins seule et surtout de déculpabiliser. Il y a comme une honte d’en parler, comme ci on n’avait pas le droit, sous couvert qu’on a cette “chance” de partir en voyage n’est-ce pas, de ne pas mal le vivre ou du moins pas comme la majorité des personnes. Comme ci il ne devait y avoir que du positif.

Pour ma part, je ne tire de cette expérience aucun échec, même si à la base je n’avais pas prévue de rentrer si vite. Mais les conditions n’étaient pas réunies, même si j’attendais ce voyage depuis longtemps. Et surtout, mes intentions n’étaient pas les bonnes. J’y ai aussi, et peut-être, projeté trop d’espérances que je n’ai pas eu (ou pas su voir sur le moment). Ou bien c’est seulement moi qui n’était pas prête. J’en ai certainement beaucoup trop fait et je m’en suis aussi trop demandée, pour de bonnes (ou de mauvaises) raisons. Peut-être aussi que j’aurai du essayer de dépasser ce fameux cap des six mois en changeant complètement d’air et en acceptant de me poser dans un endroit sans me dire que j’allais perdre du temps.

Mais je me félicite en me disant que j’ai eu ce courage de partir seule, de travailler sur moi et d’en apprendre plus sur moi-même, de me challenger et de me surprendre aussi parfois. J’ai fais des choses que je pensais être incapable d’accomplir. J’ai pu vivre des choses, voir des choses que je ne referai/reverrai peut-être plus jamais.

Comme  dirait Lao Tseu : ” un voyage de mille lieux commence par un pas“. Et je l’ai fait… Et ce n’est pas parce que je suis rentrée que j’ai abandonnée ce projet ou mon voyage. Non, j’avais seulement besoin d’y voir plus clair, de faire une pause

 

** LA SUITE ICI **

2 Commentaires

  1. catherine

    Comment apres cette lecture, ne pas etre triste et fiere a la fois. Triste de ne pas avoir ete là physiquement pour te soutenir, te reconforter et si fiere que tu AI reussie a surmonter cette fin de voyage, qui je le sais a ete dure mais une bonne experience pour toi qu’il fallait faire pour ne pas regretter et d’aller jusqu’au bout… tu as rebondi et aujourd’hui tu as retrouve les joies du voyage et en plus a deux avec cet amour simple et genereux. Pleins de bonheur a vous deux ma chacha. Ta maman qui t’aime

    Réponse
  2. Anonyme

    Ce témoignage me tire quelques larmes … et gus te dirait que je n’ai pas la larme facile 🤭 oups 😇

    J’espère que tu as trouvé le bon partenaire pour cette nouvelle aventure 😌
    Enfin je pense que oui c’est le bon, c’est de mon fiston dont il est question 😍

    Profitez en bien 🤩 Bisous

    Réponse

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  1. L’escale fait partie du voyage - Nomaajna - […] je t’invite (si ce n’est pas déjà fait) à jeter un petit coup d’oeil juste ici afin d’avoir un…

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